Dans la nuit du 23 au 24 août 1572, Charles du Quellenec, vicomte du Faou et baron du Pont et de Rostrenen, dormait au Louvre à l’instar de nombreux gentilshommes protestants qui, comme lui, avaient assisté sept jours auparavant au mariage de leur coreligionnaire et ami Henri de Navarre, (futur HenriIV), avec Marguerite de Valois, la sœur du roi Charles IX.
Soudain, entre trois et quatre heures du matin, ils furent réveillés par des coups violents frappés à leurs portes, au moment même où le tocsin de l’église St-Germain-L’Auxerrois annonçait aux Parisiens le début de l’un des événements les plus tragiques de l’histoire de notre pays: le massacre de la St-Barthélémy.
Un gentilhomme très puissant
Charles du Quellenec, fils et héritier de Jean IV du Quellenec, dont plusieurs fiefs s’étendaient entre Le Faou et Rostrenen, ainsi qu’entre Quintin et Pont-L’Abbé inclus, était à cette époque l’un des seigneurs les plus puissants de Bretagne.
Protestant comme sa mère Jeanne de Maure et ses grands-parents François de Maure et Hélène de Rohan, qui figuraient parmi les premiers huguenots bretons, il avait épousé en 1568 Catherine de Parthenay-L’Archevêque.
Celle-ci, âgée de 14 ans, était la fille unique du comte Jean de Soubise, un fervent calviniste qui s’était maintes fois illustré par sa bravoure au cours des deux premières Guerres de Religion.
Peu après son mariage, le jeune baron avait adopté le nom de Soubise porté par son beau-père, dont il suivait les traces.
C’est donc sous ce patronyme qu’il s’était «joint à la noblesse protestante du Poitou pour marcher au secours du prince de Condé» Louis 1er de Bourbon (oncle d’Henri IV), qui avait pris la tête des armées protestantes après le massacre de Wassy, perpétré le 1er mars 1562 par le duc François de Guise contre 500 huguenots rassemblés dans une grange pour célébrer leur culte.
Il avait ensuite «soulevé le Périgord» et participé au combat de Jarnac aux côtés du prince de Condé le 13 mars 1569.
Refusant d’abandonner ce dernier, lâchement assassiné sur ordre du duc d’Anjou (futur Henri III) alors qu’il avait accepté de se rendre, Charles du Quellenec fut fait prisonnier au soir de cette défaite, mais il ne tarda pas à s’évader.
Le 5 octobre suivant, il était présent à la bataille de Moncontour, à l’issue de laquelle les protestants furent une nouvelle fois vaincus.
Compétent et intrépide
Quelques semaines plus tard, il se battait encore sous les ordres de François de La Noue, l’un des lieutenants de l’amiral Gaspard de Coligny, qui était devenu le chef incontesté des armées huguenotes après la disparition du prince de Condé.
Mais c’est au siège de Fontenay-Le-Comte qu’il «se fit particulièrement remarquer par son intrépidité et ses connaissances militaires».
François de La Noue, qui dirigeait l’opération, après avoir été grièvement blessé, dut se rendre à La Rochelle où son bras gauche fut amputé et remplacé par une prothèse qui lui valut le surnom de « Bras de fer ».
Avant son départ, il n’avait pas hésité à confier le commandement des assiégeants à Charles du Quellenec, qui, après plusieurs assauts, finit par emporter la place le 24 juin 1570.
«Il se défendit comme un lion»
Nous ne pouvons rapporter ici tous les combats auxquels il participa jusqu’à la signature de l’édit de St-Germain-en-Laye qui mit fin à la troisième Guerre de Religion, le 8 août 1570.
Notons cependant que ce traité autorisait, entre autres, la célébration du culte protestant dans les faubourgs de deux villes par gouvernement militaire.
Carhaix fut alors désigné pour la Basse Bretagne et Bécherel pour la Haute Bretagne.
Deux ans plus tard, Catherine de Médicis, pressée notamment par le chef du parti catholique Henri de Guise, qui s’inquiétait de l’influence grandissante exercée sur CharlesIX par l’amiral de Coligny, décida d’éliminer ce dernier, ainsi que tous les Huguenots réunis à Paris pour les noces d’Henri de Navarre.
Charles du Quellenec fut le seul gentilhomme breton assassiné lors du massacre qui débuta à l’aube de la St-Barthélémy, et fit plusieurs dizaines de milliers de victimes dans tout le royaume.
Brutalement poussé par les archers royaux dans la cour carrée du Louvre, il tenta tout d’abord de s’en échapper pour porter secours à Gaspard de Coligny, ignorant que ce dernier avait déjà été exécuté dans son hôtel particulier de la rue de Béthisy.
Selon plusieurs chroniqueurs, le jeune baron de Rostrenen, âgé de 24 ans, «se défendit alors comme un lion», avant de tomber, comme la plupart de ses compagnons, «percé par les piques» des gardes suisses qui les attendaient dans la cour du palais.